Les dolmens du Minervois
Mourel des Fades ou Palet de Roland à Pépieux
1.
son aspect originel
L'aspect d'origine, au moins jusqu'à la 2e guerre mondiale, est celle
d'un tertre boisé assez étendu dont émergeait une dalle
inclinée. Il est connu sous deux noms : " Mourel des Fades "
que l'on peut traduire par monticule, colline des fées et le "
Palet de Roland " à cause de la position inclinée de la
dalle sommitale qui pouvait ressembler à un gigantesque disque de pierre
comme ceux servant à jouer au palet. Roland est alors assimilé
à un héros fantastique dont la légende fait soit un neveu
de Charlemagne, soit un compagnon du roi Arthur. Les deux appellations ont
en commun une référence magique ou peut-être maléfique,
sans que l'origine soit connue.
2.
les fouilles
La découverte est récente même si des fouilles sauvages
sous la dalle ont prélevé quelques pièces. Les premières
fouilles scientifiques datent de 1945 par J.Arnal, O et J Taffanel. Elles
ont lieu dans la cella terminale et mettent à jour une sépulture
hallstattienne (premier âge du fer, vers - 500).
Les fouilles complètes sont dues à Jean Guilaine en 1962 qui
dégage les trois parties du monument. Celui-ci est classé M.H.
le 5 mars 1969. Il est consolidé dans l'état actuel au printemps
1972.
Il se révèle appartenir à un ensemble de mégalithes
du néolithique qui couvre le sud-ouest du Massif Central et le Languedoc
plus riche en vestiges que l'ensemble armoricain et que l'unité Seine-Oise-Marne
caractéristiques du néolithique final. La retombée de
la Montagne Noire recèle les grands dolmens, l'Hérault et le
Gard les grands menhirs. Le département de l'Aude comptait 35 dolmens
en 1930, plus de 70 aujourd'hui.
3.
le monument
Le terme de dolmen (terme inventé en 1809 par Chateaubriand de deux
mots bretons signifiant " table de pierre ") ne convient pas ici.
Il faut parler " d'allée couverte " car la caractéristique
est la longueur du monument : 24m pour la galerie,35m pour le tumulus. C'est
le plus grand du sud de la France.
Un monument en trois parties alignées :
" un couloir de 12m de long avec des piliers qui se font face séparés
par un mur en pierres sèches.
" Une " antichambre " de 6m ayant conservé sa dalle
de couverture en calcaire de 10 tonnes sur de puissants piliers de grès
rouge ayant leur hauteur originelle.
" Une " chambre " terminale de 6m dont les piliers sont moins
bien conservés.
La structure et les dimensions obligent parler d'un temple dont la fonction
religieuse et la dimension collective sont évidentes.
Les problèmes supposés et pas nécessairement résolus
sont nombreux. Ils portent sur les techniques de construction à une
époque qui ne dispose pas de moyens de traction et de levage. Seule
la force humaine est intervenue pour dresser les piliers (technique du fossé)
et pour déplacer la dalle sommitale qui a parcouru au moins 4 km. Le
monument suppose la mobilisation d'hommes nombreux et devait avoir une destination
communautaire. Nous nous trouvons sur un lieu ( voie de passage et d'échanges,
contact de terres à vocation agricole) et à une époque
où l'homme producteur est 5 fois plus nombreux que l'homme prédateur
du paléolithique. La néolithisation est maintenant bien en place
(milieu du néolithique moyen vers - 3400 au plus tôt alors que
la révolution néolithique date de - 6000 en Europe). La sédentarisation
est effectuée sans doute en gros villages.
4.
sa fonction
Seule la fouille a permis de la deviner. Les fouilles ont livré de
multiples vestiges maintenant au musée de Carcassonne : un fameux poignard
en cuivre (décisif pour la datation), des pointes de flèches,
des perles de parure, des vases campaniformes. Tout converge vers une fonction
funéraire de grande ampleur. Le mourrel est une sépulture collective
de plusieurs centaines de personnes dont les restes étaient mêlés,
presque broyés, ce qui laisse supposer une utilisation longue, de -3400
à -1500 et certainement plus tard. Les fouilles ont distingué
au moins cinq phases :
" une phase de fondation au néolithique moyen (de -3400 à
-2900 )
" une phase d'utilisation continue au chalcolithique (cuivre) de - 2700
à - 2100.
" Une phase d'utilisation plus discontinue à l'âge du bronze
de - 2100 à - 1500 suivie d'un abandon.
" Une reprise au bronze final ( - 900 et - 700) à un moment où
l'incinération est pratiquée.
" Le site a été occupé de façon certaine
au Moyen-Âge où la cella est devenue une cabane et où
des inhumations ont été pratiquées. D'où le problème
de la diffusion du christianisme en milieu rural.
5.
son interprétation
Le monument a beau être tardif par rapport aux mégalithes de
l'ouest de la France, il faut essayer de la comprendre comme un monument religieux.
Il est plus vieux de 5 à 7 siècles que la pyramide de Khéops,
de 15 à 20 siècles plus vieux que les mégalithes de Stonehenge.
Si on imagine sa couverture complète, il devient une " grotte
artificielle ". Après sa mort, le défunt rejoint une divinité
souterraine, une déesse-mère de la disparition et de la renaissance.
Le caractère communautaire et monumental de l'allée couverte
se comprend mieux. Ces sépultures ont une signification égalitaire
devant la mort, presque démocratique. Cela est vraiment surprenant
à un moment, le néolithique final, où la société
se hiérarchise et devient justement inégalitaire.
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Dolmen de Saint-Eugène à Laure-Minervois
Tertre de 12 m de diamètre
Fouille en 1924 et 1928 par Germain Sicard, classement en 1932.
Campagne de restauration en 1962-63 et deuxième campagne en 1975 par
Guilaine
Restauration en 1992
Ossuaire de 500 sujets. Datation du néolithique final à l'âge
du bronze (occupation plus dense qu'à Pépieux)
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Chronologie
Néolithique ancien - 6000 à - 4000
Néolithique moyen - 4000 à -2500 (Chasséen puis vérazien)
Néolithique final - 2500 à - 100 subdivision :
Chalcolithique (cuivre) - 2500 à - 1800
Âge du bronze - 1800 à - 700 (ancien (3 s), moyen (3 s), final
(5 s).
Âge du fer - 700 à - 100. Halstatt (- 700 à - 450), Tène
- 450 à - 100).
Pyramide de Khéops - 2700
Stonehenge S1 - 1900, S2 - 1700, S3 - 1500.
Dolmen de Villeneuve-Minervois